jeudi 24 mai 2018

Légalisation du cannabis : est-ce un abandon ou une solution ?



Légaliser, dépénaliser ou libéraliser le cannabis... C’est un sujet qui revient régulièrement et qui a le don de déchaîner les passions. Il y a tous ceux qui sont foncièrement contre, et ceux qui sont absolument pour. Mais encore faut-il savoir de quoi l’on parle. Je vais donc dans cet article rappeler ce que sont ces termes et ce qu’est le cannabis. Je fais cet article non pas pour militer pour ou contre telle ou telle solution, je n’ai toujours pas vraiment réussi à trancher mon avis, mais plutôt comme un outil pour un débat que je pense nécessaire.

Tout d’abord, pour que le débat soit clair de ce point de vue là, je ne suis clairement pas un pro-cannabis. Je n’en ai jamais fumé personnellement. Je n’ai jamais cru non plus tous ceux qui disent que c’est inoffensif. Par contre, je suis clairement conscient de son intérêt thérapeutique dans certains cas.



Mais de quoi on parle ?



De manière récurrente, et pour des raisons souvent bien différentes, on entend les hommes politiques parler de légaliser, dépénaliser, libéraliser le cannabis ou au contraire, renforcer le combat contre ce « fléau ».
 


Mais le cannabis, déjà, c’est quoi ?
 
Pour ceux qui ne se seraient jamais posé la question, la France est un des pays les plus stricts au monde concernant le cannabis puisqu’il est interdit de le vendre, de l’acheter (oui l’un de va pas obligatoirement avec l’autre), d’en posséder, et bien sûr d’en fabriquer. Mais également d’en parler de manière « positive ».




Légaliser, dépénaliser ou libéraliser ?


La dépénalisation est le fait de supprimer ou réduire les peines pour l’usage d’un produit. Le produit peut être encore considéré comme illégal ou dangereux, mais le consommateur n’est plus ou pas puni. Le Portugal a, en 2001, dépénalisé l’usage de toutes les drogues, tout en maintenant la consommation interdite dans les lieux publics. La vente et le trafic sont cependant restés des crimes.


La légalisation est plus complexe, car c’est le fait de donner un cadre légal, plus ou moins restrictif à un produit ou une activité. Ainsi, on peut considérer que le tabac et certaines drogues que l’on retrouve dans des médicaments sont légalisés puisque leur vente et leur consommation sont strictement encadrées (vente interdite aux mineurs et dans les tabacs uniquement pour le tabac, vente en pharmacie et sur ordonnance pour les drogues thérapeutiques...).


Certains pays autorisent ainsi le cannabis uniquement à des fins thérapeutiques, d’autres à des fins récréatives.


La libéralisation est l’étape la plus permissive, cela consiste à autoriser la vente libre du produit comme n’importe quel autre. L’État ne fait alors que contrôler l’hygiène et la conformité comme il le fait pour la viande et le lait par exemple. À ce jour, je crois qu’aucun pays n’a libéralisé le cannabis, ce serait d’ailleurs en contradiction avec les conventions de l’ONU. 


Une fois qu’on sait de quoi on parle, on peut déjà affiner son avis. J’avoue que je ne connaissais pas les nuances de ces termes il y a quelques années et que quand j’entendais l’un ou l’autre, je pensais libéralisation et ça me faisait hurler.




Pourquoi changer ?



La situation actuelle est un échec. Malgré une des réglementations les plus strictes, la France est également un des pays où on en consomme le plus. La lutte contre le trafic de cannabis monopolise énormément de ressources pour finalement un résultat difficile à accepter.


Légaliser ou dépénaliser l’usage du cannabis permettrait de soulager les forces de police et de justice pour se concentrer sur les trafiquants. Dans les faits, c’est déjà souvent le cas. Cependant, s’il existait un circuit légal de vente du cannabis, le trafic diminuerait de fait. Et les réseaux mafieux qui le gèrent verraient une partie majeure et vitale de leurs revenus disparaître.


L’usage thérapeutique du cannabis pour certaines maladies est reconnu, il a des effets calmants et antalgiques indéniables. Ses effets secondaires seraient moins graves que pour beaucoup d’autres médicaments en circulation.


Contrôler le réseau de distribution permettrait de s’assurer que ce qui est distribué est bien uniquement du cannabis, et pas un cocktail encore plus dangereux. De plus, un réseau de distribution contrôlé permettrait de « s’assurer » que les mineurs n’y ont pas accès. Et là, on tombe sur une contradiction du système : si les mineurs ne peuvent toujours pas se fournir officiellement, ils se tourneront vers les réseaux non officiels, maintenant le trafic que l’on voulait faire disparaître.


Enfin, histoire d’être un peu cynique, mettre en place un réseau de culture et distribution du cannabis créerait des emplois, et les bénéfices de ce circuit de distribution seraient plus utiles à l’État qu’aux trafiquants.


Pour finir, certains disent même que le cannabis étant moins dangereux que l’alcool et le tabac, il n’y a pas de raison de l’interdire plus que ces substances-là.




Mais alors, pourquoi faudrait-il ne rien changer ?



Il y a plusieurs arguments pour ne surtout pas assouplir la réglementation.

Le premier d’entre eux est de dire que le cannabis est dangereux et que faciliter la distribution d’un produit dangereux est criminel. Chez les mineurs surtout, il provoque des dégâts irréversibles sur le cerveau. Chez les personnes majeures, il peut créer des problèmes comportementaux, d’addiction, mais aussi d’isolement et de perte des repères sociaux. Bon, personnellement, ça me rappelle un peu l’alcool...

Le deuxième est de dire qu’on ne doit pas changer nos lois sous prétexte qu’on n’arrive pas à mettre les ressources pour les appliquer. C’est un argument valable, idéologiquement en tout cas. Mais concrètement après, on fait quoi ? À l’heure où on n’a déjà pas assez de policiers pour nous protéger de faits allant de l’incivilité au terrorisme, doit-on en mobiliser encore plus à peine perdue ? (On sait ce qu’a donné la prohibition en son temps : rien)


Il faut également regarder au niveau de la justice, combien de temps est consacré à ces petites affaires quand les autres affaires mettent des années à être jugées ? On peut effectivement recruter plus de monde, aussi bien à la police qu’à la justice, mais il faut alors être prêt à en assumer le coût. Et la question qui se pose ici est « est-ce que le coût en vaut la chandelle ? ».


En facilitant l’accès au cannabis, on va augmenter les consommateurs potentiels. C’est un fait, beaucoup n’ont jamais essayé le cannabis parce que c’était illégal, c’était mon cas. Maintenant, je sais pourquoi je n’en veux pas, mais quand j’étais adolescent, je n’ai jamais franchi le pas justement parce que c’était illégal. Mais parallèlement, beaucoup de jeunes « révoltés » n’ont essayé le cannabis que parce qu’il était illégal.


Et on arrive là à un nouvel argument. Si on facilite l’accès au cannabis, on risque d’élever le niveau d’usage de drogues pour « tester parce que c’est illégal ». Et l’héroïne ou la cocaïne ont des effets indésirables bien plus graves et bien plus rapides que le cannabis. Personnellement, je ne suis pas sûr que ce soit si automatique que ça. Déjà pour une question de prix. Il semblerait que ces drogues « dures » soient beaucoup plus chères que les drogues dites douces, et le frein financier est un mur infranchissable pour certains. De plus, dans l’inconscient collectif, le cannabis « ce n’est pas grave », « ça ne provoque pas de réelle addiction si tu n’en prends pas souvent »... Et ces idées font que le pas est plus facilement franchissable que pour des drogues plus dures.




Et maintenant ?



Ce sujet reste un sujet tabou pour beaucoup, dangereux aussi pour les hommes politiques parce qu’il est difficile de rester pragmatique sans tomber dans l’excès d’un côté ou de l’autre. Il faut en quelque sorte choisir entre raison et philosophie.


Les avis peuvent évoluer. Je n’ai toujours pas d’avis tranché sur la question, mais je ne suis plus dans le refus total de ne serait-ce qu’en débattre comme je l’étais il y a quelques années.


Je suis maintenant pour un grand débat sur le sujet, où des médecins, des policiers, des juges et des consommateurs auraient leur mot à dire.