jeudi 23 avril 2020

Repenser la représentation locale

Ceux qui me connaissent savent que j'étais candidat sur une liste aux élections municipales dans ma ville. Je pensais à cet article avant même d'être candidat, je n'ai pas eu le temps de l'écrire avant, et maintenant, même si certains penseront qu'il fait suite aux résultats, ce n'est pas le cas. Comme mes autres articles, ma réflexion est générale et s'inscrit plus sur l'avenir que sur le présent.





Rappelons un peu le système de vote

Le scrutin des élections municipales est différent pour les communes de moins de 1000 habitants et les communes plus importantes.

Communes de moins de 1000 habitants :
Le scrutin est majoritaire, plurinominal, à 2 tours. C'est à dire que l'on peut se présenter seul ou en liste. L'électeur peut alors faire du panachage (rayer des noms). Les candidats obtenant, au premier tour, la majorité absolue des suffrages exprimés représentant au moins 25% des inscrits, sont élus. Au deuxième tour, si il reste des sièges à pourvoir, les candidats sont élus à la majorité relative.

Communes de 1000 habitants ou plus :
Le scrutin est proportionnel, de liste, à deux tours avec prime majoritaire accordée à la liste arrivée en tête. Les listes doivent être complètes, sans modification de l’ordre de présentation.
Pour faire simple, la liste qui remporte le suffrage (au premier ou au second tour) obtient la moitié des sièges, le reste des sièges est réparti proportionnellement aux résultats entre toutes les listes (y compris celle qui a gagné, donc). Cette prime majoritaire est faite pour que la liste gagnante soit assurée de pouvoir élire le maire de son choix et mener son programme.

Pour les communautés de communes, les sièges sont répartis selon le même principe.

Mais les élections municipales ont également un impact national car les élus municipaux deviennent les électeurs pour les élections sénatoriales, au même titre que les députés, sénateurs, conseillers régionaux et départementaux. Ceci pour que le sénat soit élu par des grands électeurs qui représentent la diversité des territoires.

Quel est le problème alors ?

Le problème est un simple problème de représentativité pour les communes de plus de 1000 habitants.

Prenons l'exemple d'une commune avec 23 sièges au conseil municipal. Disons qu'il y a deux listes, A et B. A obtient 50,01% des voix et B obtient 49,99% des voix. Avec de tels scores, on s'attend à ce que l'opposition soit bien représentée. Mais au final, le nombre de sièges est de 18 pour A et 5 pour B, soit un pourcentage de sièges de 78% pour A et seulement 22% pour B !

Un autre exemple, une commune ayant 29 sièges à pourvoir, au deuxième tour, 3 listes, A, B et C. A obtient 1501 voix (42,87%), B obtient 1500 voix (42,85%) et C n'a que 500 voix (14,28%). A obtiendra 21 sièges (72%), B 6 sièges (20%) et C 2 sièges (7%).

Si il est normal que la liste gagnante ait la majorité absolue, la conséquence de la prime majoritaire telle qu'elle est calculée actuellement détruit complètement toute la représentativité que l'on devrait retrouver d'une élection proportionnelle. C'est d'autant plus gênant, donc, pour les communes de plus de 9000 habitants ou l'ensemble des conseillers municipaux sont électeurs aux sénatoriales.

Un autre problème potentiel : l'impossibilité de présenter une liste incomplète. Il est parfois difficile pour certains candidats de constituer une liste complète, alors qu'il est impossible, si il y a plusieurs listes, que tous les candidats d'une même liste soient élus. Vaut-il mieux, pour la démocratie, une liste incomplète ou pas de liste ?

Quelles solutions ?

Pour le dernier point, c’est en fait tout simple. Cela se fait dans d’autres élections de listes, certes moins officielles : une liste doit contenir au moins 2 noms. Mais c’est probablement un peu trop simple pour des élections officielles avec un portée aussi importante que les Municipales. 
Autoriser des listes de 2 ou 3 personnes quand il y a 20, 30 ou même 40 sièges à pourvoir n’a aucun sens. Et cela multiplierait le risque de candidatures non sérieuses. 
Il faudrait au minimum avoir autant de candidats que la moitié des sièges, pour assurer de pouvoir être majoritaire en cas de victoire. Pour être plus réaliste, on pourrait peut-être autoriser les listes n’ayant que 80 ou 90% des places pourvues. Pour 23 sièges, ça ferait des listes autorisées à partir de 18-20 candidats. En effet n’est-ce pas ridicule de refuser une liste qui n’aurait que 22 candidats alors qu’il en faut 23 ? Nous avons deux cas de figure :
  • Soit il n’y a pas d’autre liste, et le 23e de la liste serait éligible, mais si on refuse la liste, il n’y a plus de candidat du tout. 
  • Soit il y a au moins une autre liste, et le 23e est mathématiquement non-éligible. Pourquoi refuser une liste parce qu’il manque un candidat qui ne peut être élu ?

L’autre problème est celui de la répartition des sièges. Encore une fois, il est important, pour éviter les blocages, que la liste gagnante soit assurée d’avoir la majorité absolue au conseil municipal. Mais ne pourrait on pas faire une répartition plus équitable ?
Si la liste gagnante a plus de 50% des voix, ne peut-on pas distribuer les sièges en fonction du résultat réel ? 60% des voix donnerait 60% des sièges.
Et si la liste gagnante a moins de 50% des voix ? (courant si plus de deux listes)
La solution la plus simple serait d’attribuer 50% des sièges plus 1 à la liste gagnante, et de répartir les sièges restants entre les listes restantes, proportionnellement à leur résultats. 
Pour reprendre l’exemple plus haut, A a eu 1501 voix (42,87%), B 1500 voix (42,85%) et C n'a eu que 500 voix (14,28%). Il y a 29 sièges à pourvoir. A aurait donc 15 sièges. B a 75% des voix restantes, il aurait donc 11 sièges. C enfin, aurait 3 sièges. La représentativité des électeurs serait ainsi beaucoup mieux respectée. 

Là encore, l’impact serait aussi bien sur la composition du conseil municipal, que du conseil communautaire que, également, sur les élections sénatoriales !!
À l’heure où l’on veut que les élus représentent mieux les citoyens, il faut peut-être commencer par repenser les élections, à chaque niveau de notre république. 

On pourrait aller plus loin encore et réfléchir à changer le système de vote pour passer au jugement majoritaire. J’ai déjà exprimé tout le bien que je pense de ce système de vote. Mais j’avoue que, si son application à un système de liste, en soit, ne change rien, la répartition des sièges deviendrait  beaucoup plus compliquée. C’est une question à creuser et si certains ont des références sur l’application du jugement majoritaire aux scrutins de listes, je suis preneur en commentaire.