vendredi 9 novembre 2018

Non, je ne serais pas un gilet jaune...



Comme la plupart d'entre vous, j'ai reçu plusieurs invitations pour participer au mouvement du 17 Novembre 2018, et j'ai été invité à mettre mon gilet jaune sur mon tableau de bord en guise de soutien. Comme vous l'aurez compris par le titre, je ne ferais ni l'un ni l'autre...

Ce n'est pas parce que j'ai peur d'avoir une amende pour apologie du terrorisme parce que mon gilet est sur le tableau de bord... Je suis au courant que c'était une blague de Nordpresse...
Je ne vais pas non plus éviter la manifestation du 17 novembre parce que j'ai peur des menaces du directeur de la gendarmerie nationale... Je suis aussi au courant que c'était un montage et qu'il n'y a rien de vrai. Tout comme la soi-disant lettre de Macron au procureur de Paris lui disant que l'usage de la force serait nécessaire.

Enfin, ce n'est pas non plus parce que ça viendrait de l'extrême droite. Certes, je n'aurais aucune envie d'être associé à des manifestations en lien avec les extrêmes (quels qu'ils soient), et ce point seul pourrait suffire à me décider, mais non. Déjà parce que le mouvement de base, même s’il a été relayé et relancé par quelques personnalités extrémistes, n'est pas de leur fait à l'origine. (je ne doute pas cependant des récupérations qui seront faites)

Non, en fait, c'est beaucoup plus simple. Je ne suis pas d'accord, ni avec le fond ni avec la forme.


Parlons de la forme déjà. J'ai personnellement un problème avec toute forme de blocage dans un pays qui se veut celui de la liberté. Bloquer les routes va gêner tout le monde, sauf ceux à qui le message est adressé.
Quant à l'idée de ne rien consommer ce jour-là pour que l'état ne touche aucune taxe, je ne comprends pas ni le but ni l'intérêt. L'état, c'est nous. Les taxes qu'il ne touche pas, c'est nous qui allons les payer de toute façon plus tard. Et l’on sait très bien que tout ce qui ne sera pas dépensé ce jour-là le sera la veille ou le lendemain...


Sur le fond, de quoi parle-t-on ? Les Français se mobilisent parce que le gouvernement a décidé :

  • d'aligner le prix du Diesel sur celui de l'essence en réduisant l'avantage fiscal qui était donné au Diesel
  • d'augmenter les taxes sur les carburants en 2019.


Mais qu'est-ce que ça représente réellement ?

Ne confondons pas la hausse du prix de l'essence avec la hausse des taxes, la variation du prix de l'essence est un problème indépendant de la France, la hausse des taxes ne représente, environ, que 10 centimes par litre (moins même, mais ça simplifiera les calculs).
Une vieille voiture mal entretenue consomme moins de 10 litres pour 100km. (Les voitures récentes qui consomment autant sont en général possédées par des personnes qui ne regardent pas vraiment le prix de l'essence...)

Pour 100km, la hausse des taxes représente donc moins de 1€. Quelqu'un qui fait 100km par jour pour travailler, ça lui fait moins de 20€ par mois d'augmentation à cause de cette hausse des taxes... (tiens, 20€, ce montant me dit quelque chose...)
20€, c'est moins que la moyenne de ce qu'ont gagné les salariés avec la suppression des cotisations.
20€ par mois, c'est aussi 240€, et ça représente là encore moins que ce que j'aurais gagné avec la baisse de 30% de la taxe d'habitation si j'y avais eu droit.

Alors oui, ce n'est pas agréable de payer plus son essence. Je suis particulièrement au courant que cette année, ma femme fait 60km par jour au lieu de 60m par jour l'année dernière, et que je dois faire 300km par semaine (parfois même 600) pour ma fille qui est en internat. Mais je considère que je n'ai pas à me plaindre.

On pourrait aussi parler du prix de l'essence par rapport au pouvoir d'achat des ménages. FranceInfo a fait un article particulièrement intéressant pour comparer le prix de l'essence par rapport à 40 ans en arrière... Et bien aujourd'hui, elle est moins chère, bien moins chère.
Je cite "En 1973, le Smic horaire brut était à 5,43 francs et le litre d'essence à 1,69 franc. C'est bien trois fois plus (3,2 fois exactement).
Aujourd'hui, le Smic horaire brut est à 9,43 euros. Le litre d'essence à 1,57 euro. C'est bien six fois plus."
Le site euro-assurance va un peu plus loin dans la réflexion et nuance un peu l'article. Ils précisent notamment que l'utilisation du véhicule n'était pas la même il y a 40 ans qu'aujourd'hui (c'est vrai, et le monde polluait également moins il y a 40 ans). Il précise aussi que si les voitures d'aujourd'hui consomment BEAUCOUP moins que celles de l'époque, de nombreuses voitures des années 80-90 qui consommaient encore beaucoup, sont encore en circulation... (c'est peut-être aussi une partie du problème)

Alors on va me dire que c'est difficilement comparable (c'est vrai), que le pouvoir d'achat n'est pas le même (c'est vrai aussi, il est en théorie plus grand aujourd'hui), que les besoins ne sont pas les mêmes (là encore, c'est vrai, on n'hésite pas à avoir 4 abonnements mobiles à 20€/mois alors qu'à l'époque... (tiens, revoilà les 20€, encore)).

Et le vrai problème, on en parle ?

Le vrai point dans tout ça, il est bien ailleurs que dans le coût que cette surtaxe va nous coûter à nous, conducteurs. Le vrai point, c'est « pourquoi cette taxe ? »

La planète meurt. Les rapports sont de plus en plus alarmistes. L'accord de Paris voté à la COP-21, qui était absolument nécessaire, était également totalement inutile parce que trop peu exigeant et trop tardif. La planète meurt pour tout un tas de raisons, la pollution due au pétrole en est une, et une non négligeable.

Il faut tout faire pour réduire notre consommation de pétrole. La hausse du prix des carburants n'est pas LA solution à tous les problèmes, mais c'est une partie de la solution qu'on ne peut pas mettre de côté sous prétexte que les autres parties de la solution ne sont pas mises en place. La hausse du prix du carburant a deux objectifs :

  • Nous faire réfléchir sur notre utilisation de nos véhicules. 
  • Nous pousser à changer de véhicule pour un véhicule moins polluant.  

Il est temps en effet de se poser les vraies questions : Est-on obligé d'utiliser notre véhicule ou est-ce juste du confort ? Ne peut-on pas optimiser cette utilisation ? On se plaint du manque de transport en commun en province, mais si personne ne les utilise, pourquoi investir pour en avoir plus ? Le covoiturage peut aussi être une solution, des sites comme BlaBlaCar permettent de réduire les coûts pour les conducteurs tout en permettant de mutualiser les consommations.

Mais il est surtout temps de se tourner vers des solutions moins polluantes. Je ne suis pas sûr que le tout électrique soit une solution, cela poserait d'autres problèmes dont nous n'avons pas forcément les solutions. Mais l'avenir est à la réduction des énergies fossiles. Il faut pousser vers l'hybride, qui réduit la consommation, pousser vers le bioéthanol, pousser vers l'électrique, vers l'hydrogène... Il faut pousser vers tout sauf le tout pétrole que nous avons aujourd'hui.

J'entends souvent "oui, mais ceux qui ont les voitures les plus polluantes sont aussi ceux qui n'ont pas les moyens de les changer !". Et là, je me demande si, donc, on ne devrait plus rien faire parce qu'il y a des personnes qui de toute façon, ne pourront pas cesser d'utiliser leurs voitures polluantes.
Il y a des aides pour changer de voiture, y compris pour changer pour une voiture d'occasion. Ces aides sont plus importantes pour les foyers modestes et il est apparemment prévu de les doubler l'année prochaine. Encore une fois, une voiture plus propre et plus récente pollue moins, mais coûte moins aussi en entretien comme en consommation. Le gouvernement annonce que 75% des aides pour les changements de véhicules ont été attribués à des ménages non imposables, c'est bien la preuve que changer de véhicule ne concerne pas que les riches.

L'écologie est le sujet le plus important pour la majorité des personnes, mais dés qu'il s'agit d'avancer, on se plaint que cela coûte cher. Je préfère des taxes pour les véhicules polluants que d'interdire l'accès à certaines villes à des véhicules trop anciens.

Voilà donc pourquoi mon gilet jaune reste sous mon siège et pourquoi le 17/11, je ne changerai pas mes habitudes. Merci de m'avoir lu.



unsplash-logoCrédit photo : Scott Rodgerson

jeudi 24 mai 2018

Légalisation du cannabis : est-ce un abandon ou une solution ?



Légaliser, dépénaliser ou libéraliser le cannabis... C’est un sujet qui revient régulièrement et qui a le don de déchaîner les passions. Il y a tous ceux qui sont foncièrement contre, et ceux qui sont absolument pour. Mais encore faut-il savoir de quoi l’on parle. Je vais donc dans cet article rappeler ce que sont ces termes et ce qu’est le cannabis. Je fais cet article non pas pour militer pour ou contre telle ou telle solution, je n’ai toujours pas vraiment réussi à trancher mon avis, mais plutôt comme un outil pour un débat que je pense nécessaire.

Tout d’abord, pour que le débat soit clair de ce point de vue là, je ne suis clairement pas un pro-cannabis. Je n’en ai jamais fumé personnellement. Je n’ai jamais cru non plus tous ceux qui disent que c’est inoffensif. Par contre, je suis clairement conscient de son intérêt thérapeutique dans certains cas.



Mais de quoi on parle ?



De manière récurrente, et pour des raisons souvent bien différentes, on entend les hommes politiques parler de légaliser, dépénaliser, libéraliser le cannabis ou au contraire, renforcer le combat contre ce « fléau ».
 


Mais le cannabis, déjà, c’est quoi ?
 
Pour ceux qui ne se seraient jamais posé la question, la France est un des pays les plus stricts au monde concernant le cannabis puisqu’il est interdit de le vendre, de l’acheter (oui l’un de va pas obligatoirement avec l’autre), d’en posséder, et bien sûr d’en fabriquer. Mais également d’en parler de manière « positive ».




Légaliser, dépénaliser ou libéraliser ?


La dépénalisation est le fait de supprimer ou réduire les peines pour l’usage d’un produit. Le produit peut être encore considéré comme illégal ou dangereux, mais le consommateur n’est plus ou pas puni. Le Portugal a, en 2001, dépénalisé l’usage de toutes les drogues, tout en maintenant la consommation interdite dans les lieux publics. La vente et le trafic sont cependant restés des crimes.


La légalisation est plus complexe, car c’est le fait de donner un cadre légal, plus ou moins restrictif à un produit ou une activité. Ainsi, on peut considérer que le tabac et certaines drogues que l’on retrouve dans des médicaments sont légalisés puisque leur vente et leur consommation sont strictement encadrées (vente interdite aux mineurs et dans les tabacs uniquement pour le tabac, vente en pharmacie et sur ordonnance pour les drogues thérapeutiques...).


Certains pays autorisent ainsi le cannabis uniquement à des fins thérapeutiques, d’autres à des fins récréatives.


La libéralisation est l’étape la plus permissive, cela consiste à autoriser la vente libre du produit comme n’importe quel autre. L’État ne fait alors que contrôler l’hygiène et la conformité comme il le fait pour la viande et le lait par exemple. À ce jour, je crois qu’aucun pays n’a libéralisé le cannabis, ce serait d’ailleurs en contradiction avec les conventions de l’ONU. 


Une fois qu’on sait de quoi on parle, on peut déjà affiner son avis. J’avoue que je ne connaissais pas les nuances de ces termes il y a quelques années et que quand j’entendais l’un ou l’autre, je pensais libéralisation et ça me faisait hurler.




Pourquoi changer ?



La situation actuelle est un échec. Malgré une des réglementations les plus strictes, la France est également un des pays où on en consomme le plus. La lutte contre le trafic de cannabis monopolise énormément de ressources pour finalement un résultat difficile à accepter.


Légaliser ou dépénaliser l’usage du cannabis permettrait de soulager les forces de police et de justice pour se concentrer sur les trafiquants. Dans les faits, c’est déjà souvent le cas. Cependant, s’il existait un circuit légal de vente du cannabis, le trafic diminuerait de fait. Et les réseaux mafieux qui le gèrent verraient une partie majeure et vitale de leurs revenus disparaître.


L’usage thérapeutique du cannabis pour certaines maladies est reconnu, il a des effets calmants et antalgiques indéniables. Ses effets secondaires seraient moins graves que pour beaucoup d’autres médicaments en circulation.


Contrôler le réseau de distribution permettrait de s’assurer que ce qui est distribué est bien uniquement du cannabis, et pas un cocktail encore plus dangereux. De plus, un réseau de distribution contrôlé permettrait de « s’assurer » que les mineurs n’y ont pas accès. Et là, on tombe sur une contradiction du système : si les mineurs ne peuvent toujours pas se fournir officiellement, ils se tourneront vers les réseaux non officiels, maintenant le trafic que l’on voulait faire disparaître.


Enfin, histoire d’être un peu cynique, mettre en place un réseau de culture et distribution du cannabis créerait des emplois, et les bénéfices de ce circuit de distribution seraient plus utiles à l’État qu’aux trafiquants.


Pour finir, certains disent même que le cannabis étant moins dangereux que l’alcool et le tabac, il n’y a pas de raison de l’interdire plus que ces substances-là.




Mais alors, pourquoi faudrait-il ne rien changer ?



Il y a plusieurs arguments pour ne surtout pas assouplir la réglementation.

Le premier d’entre eux est de dire que le cannabis est dangereux et que faciliter la distribution d’un produit dangereux est criminel. Chez les mineurs surtout, il provoque des dégâts irréversibles sur le cerveau. Chez les personnes majeures, il peut créer des problèmes comportementaux, d’addiction, mais aussi d’isolement et de perte des repères sociaux. Bon, personnellement, ça me rappelle un peu l’alcool...

Le deuxième est de dire qu’on ne doit pas changer nos lois sous prétexte qu’on n’arrive pas à mettre les ressources pour les appliquer. C’est un argument valable, idéologiquement en tout cas. Mais concrètement après, on fait quoi ? À l’heure où on n’a déjà pas assez de policiers pour nous protéger de faits allant de l’incivilité au terrorisme, doit-on en mobiliser encore plus à peine perdue ? (On sait ce qu’a donné la prohibition en son temps : rien)


Il faut également regarder au niveau de la justice, combien de temps est consacré à ces petites affaires quand les autres affaires mettent des années à être jugées ? On peut effectivement recruter plus de monde, aussi bien à la police qu’à la justice, mais il faut alors être prêt à en assumer le coût. Et la question qui se pose ici est « est-ce que le coût en vaut la chandelle ? ».


En facilitant l’accès au cannabis, on va augmenter les consommateurs potentiels. C’est un fait, beaucoup n’ont jamais essayé le cannabis parce que c’était illégal, c’était mon cas. Maintenant, je sais pourquoi je n’en veux pas, mais quand j’étais adolescent, je n’ai jamais franchi le pas justement parce que c’était illégal. Mais parallèlement, beaucoup de jeunes « révoltés » n’ont essayé le cannabis que parce qu’il était illégal.


Et on arrive là à un nouvel argument. Si on facilite l’accès au cannabis, on risque d’élever le niveau d’usage de drogues pour « tester parce que c’est illégal ». Et l’héroïne ou la cocaïne ont des effets indésirables bien plus graves et bien plus rapides que le cannabis. Personnellement, je ne suis pas sûr que ce soit si automatique que ça. Déjà pour une question de prix. Il semblerait que ces drogues « dures » soient beaucoup plus chères que les drogues dites douces, et le frein financier est un mur infranchissable pour certains. De plus, dans l’inconscient collectif, le cannabis « ce n’est pas grave », « ça ne provoque pas de réelle addiction si tu n’en prends pas souvent »... Et ces idées font que le pas est plus facilement franchissable que pour des drogues plus dures.




Et maintenant ?



Ce sujet reste un sujet tabou pour beaucoup, dangereux aussi pour les hommes politiques parce qu’il est difficile de rester pragmatique sans tomber dans l’excès d’un côté ou de l’autre. Il faut en quelque sorte choisir entre raison et philosophie.


Les avis peuvent évoluer. Je n’ai toujours pas d’avis tranché sur la question, mais je ne suis plus dans le refus total de ne serait-ce qu’en débattre comme je l’étais il y a quelques années.


Je suis maintenant pour un grand débat sur le sujet, où des médecins, des policiers, des juges et des consommateurs auraient leur mot à dire.