Comme la plupart d'entre vous, j'ai reçu plusieurs invitations pour participer au mouvement du 17 Novembre 2018, et j'ai été invité à mettre mon gilet jaune sur mon tableau de bord en guise de soutien. Comme vous l'aurez compris par le titre, je ne ferais ni l'un ni l'autre...
Ce n'est pas parce que j'ai peur d'avoir une amende pour apologie du terrorisme parce que mon gilet est sur le tableau de bord... Je suis au courant que c'était une blague de Nordpresse...
Je ne vais pas non plus éviter la manifestation du 17 novembre parce que j'ai peur des menaces du directeur de la gendarmerie nationale... Je suis aussi au courant que c'était un montage et qu'il n'y a rien de vrai. Tout comme la soi-disant lettre de Macron au procureur de Paris lui disant que l'usage de la force serait nécessaire.
Enfin, ce n'est pas non plus parce que ça viendrait de l'extrême droite. Certes, je n'aurais aucune envie d'être associé à des manifestations en lien avec les extrêmes (quels qu'ils soient), et ce point seul pourrait suffire à me décider, mais non. Déjà parce que le mouvement de base, même s’il a été relayé et relancé par quelques personnalités extrémistes, n'est pas de leur fait à l'origine. (je ne doute pas cependant des récupérations qui seront faites)
Non, en fait, c'est beaucoup plus simple. Je ne suis pas d'accord, ni avec le fond ni avec la forme.
Parlons de la forme déjà. J'ai personnellement un problème avec toute forme de blocage dans un pays qui se veut celui de la liberté. Bloquer les routes va gêner tout le monde, sauf ceux à qui le message est adressé.
Quant à l'idée de ne rien consommer ce jour-là pour que l'état ne touche aucune taxe, je ne comprends pas ni le but ni l'intérêt. L'état, c'est nous. Les taxes qu'il ne touche pas, c'est nous qui allons les payer de toute façon plus tard. Et l’on sait très bien que tout ce qui ne sera pas dépensé ce jour-là le sera la veille ou le lendemain...
Sur le fond, de quoi parle-t-on ? Les Français se mobilisent parce que le gouvernement a décidé :
- d'aligner le prix du Diesel sur celui de l'essence en réduisant l'avantage fiscal qui était donné au Diesel
- d'augmenter les taxes sur les carburants en 2019.
Mais qu'est-ce que ça représente réellement ?
Ne confondons pas la hausse du prix de l'essence avec la hausse des taxes, la variation du prix de l'essence est un problème indépendant de la France, la hausse des taxes ne représente, environ, que 10 centimes par litre (moins même, mais ça simplifiera les calculs).Une vieille voiture mal entretenue consomme moins de 10 litres pour 100km. (Les voitures récentes qui consomment autant sont en général possédées par des personnes qui ne regardent pas vraiment le prix de l'essence...)
Pour 100km, la hausse des taxes représente donc moins de 1€. Quelqu'un qui fait 100km par jour pour travailler, ça lui fait moins de 20€ par mois d'augmentation à cause de cette hausse des taxes... (tiens, 20€, ce montant me dit quelque chose...)
20€, c'est moins que la moyenne de ce qu'ont gagné les salariés avec la suppression des cotisations.
20€ par mois, c'est aussi 240€, et ça représente là encore moins que ce que j'aurais gagné avec la baisse de 30% de la taxe d'habitation si j'y avais eu droit.
Alors oui, ce n'est pas agréable de payer plus son essence. Je suis particulièrement au courant que cette année, ma femme fait 60km par jour au lieu de 60m par jour l'année dernière, et que je dois faire 300km par semaine (parfois même 600) pour ma fille qui est en internat. Mais je considère que je n'ai pas à me plaindre.
On pourrait aussi parler du prix de l'essence par rapport au pouvoir d'achat des ménages. FranceInfo a fait un article particulièrement intéressant pour comparer le prix de l'essence par rapport à 40 ans en arrière... Et bien aujourd'hui, elle est moins chère, bien moins chère.
Je cite "En 1973, le Smic horaire brut était à 5,43 francs et le litre d'essence à 1,69 franc. C'est bien trois fois plus (3,2 fois exactement).
Aujourd'hui, le Smic horaire brut est à 9,43 euros. Le litre d'essence à 1,57 euro. C'est bien six fois plus."
Le site euro-assurance va un peu plus loin dans la réflexion et nuance un peu l'article. Ils précisent notamment que l'utilisation du véhicule n'était pas la même il y a 40 ans qu'aujourd'hui (c'est vrai, et le monde polluait également moins il y a 40 ans). Il précise aussi que si les voitures d'aujourd'hui consomment BEAUCOUP moins que celles de l'époque, de nombreuses voitures des années 80-90 qui consommaient encore beaucoup, sont encore en circulation... (c'est peut-être aussi une partie du problème)
Alors on va me dire que c'est difficilement comparable (c'est vrai), que le pouvoir d'achat n'est pas le même (c'est vrai aussi, il est en théorie plus grand aujourd'hui), que les besoins ne sont pas les mêmes (là encore, c'est vrai, on n'hésite pas à avoir 4 abonnements mobiles à 20€/mois alors qu'à l'époque... (tiens, revoilà les 20€, encore)).
Et le vrai problème, on en parle ?
Le vrai point dans tout ça, il est bien ailleurs que dans le coût que cette surtaxe va nous coûter à nous, conducteurs. Le vrai point, c'est « pourquoi cette taxe ? »La planète meurt. Les rapports sont de plus en plus alarmistes. L'accord de Paris voté à la COP-21, qui était absolument nécessaire, était également totalement inutile parce que trop peu exigeant et trop tardif. La planète meurt pour tout un tas de raisons, la pollution due au pétrole en est une, et une non négligeable.
Il faut tout faire pour réduire notre consommation de pétrole. La hausse du prix des carburants n'est pas LA solution à tous les problèmes, mais c'est une partie de la solution qu'on ne peut pas mettre de côté sous prétexte que les autres parties de la solution ne sont pas mises en place. La hausse du prix du carburant a deux objectifs :
- Nous faire réfléchir sur notre utilisation de nos véhicules.
- Nous pousser à changer de véhicule pour un véhicule moins polluant.
Il est temps en effet de se poser les vraies questions : Est-on obligé d'utiliser notre véhicule ou est-ce juste du confort ? Ne peut-on pas optimiser cette utilisation ? On se plaint du manque de transport en commun en province, mais si personne ne les utilise, pourquoi investir pour en avoir plus ? Le covoiturage peut aussi être une solution, des sites comme BlaBlaCar permettent de réduire les coûts pour les conducteurs tout en permettant de mutualiser les consommations.
Mais il est surtout temps de se tourner vers des solutions moins polluantes. Je ne suis pas sûr que le tout électrique soit une solution, cela poserait d'autres problèmes dont nous n'avons pas forcément les solutions. Mais l'avenir est à la réduction des énergies fossiles. Il faut pousser vers l'hybride, qui réduit la consommation, pousser vers le bioéthanol, pousser vers l'électrique, vers l'hydrogène... Il faut pousser vers tout sauf le tout pétrole que nous avons aujourd'hui.
J'entends souvent "oui, mais ceux qui ont les voitures les plus polluantes sont aussi ceux qui n'ont pas les moyens de les changer !". Et là, je me demande si, donc, on ne devrait plus rien faire parce qu'il y a des personnes qui de toute façon, ne pourront pas cesser d'utiliser leurs voitures polluantes.
Il y a des aides pour changer de voiture, y compris pour changer pour une voiture d'occasion. Ces aides sont plus importantes pour les foyers modestes et il est apparemment prévu de les doubler l'année prochaine. Encore une fois, une voiture plus propre et plus récente pollue moins, mais coûte moins aussi en entretien comme en consommation. Le gouvernement annonce que 75% des aides pour les changements de véhicules ont été attribués à des ménages non imposables, c'est bien la preuve que changer de véhicule ne concerne pas que les riches.
L'écologie est le sujet le plus important pour la majorité des personnes, mais dés qu'il s'agit d'avancer, on se plaint que cela coûte cher. Je préfère des taxes pour les véhicules polluants que d'interdire l'accès à certaines villes à des véhicules trop anciens.
Voilà donc pourquoi mon gilet jaune reste sous mon siège et pourquoi le 17/11, je ne changerai pas mes habitudes. Merci de m'avoir lu.
Crédit photo : Scott Rodgerson